Joyeux anniversaire !
Aujourd’hui je fête mes 88 ans. C’est drôle pourtant, je ne suis pas vieille. Agée oui, mais pas vieille.
Soyons honnête, devenir âgée n’est pas de tout repos. Même si je ne me considère pas malade ou dépendante, j’ai dû faire face à certains défis au cours des dernières années. D’abord une chute à la maison, puis deux… Jamais deux sans trois ! C’est là que j’ai dû penser à mon propre parcours, à la fragilité de mon corps et de mon esprit. Puis j’ai dû me poser la question, et j’ai dû prendre une décision : celle de vivre en EMS. Quitter mon cadre de vie pour me rendre en terre inconnue. C’était mon ressenti. Pourtant me voilà depuis un an à Villa Mona Hanna : le bilan est loin de ce que j’imaginais.
La première chose qui m’a marquée quand je m’installais ici, c’est l’effort qu’ont fait tous ces gens pour que je ne me sente pas seule. Ensemble, le personnel a voulu regrouper des informations sur moi et sur la manière dont j’étais habituée à gérer ma vie. Chaque jour ou presque, quelqu’un téléphonait à ma fille pour l’informer de mes états d’âme et très vite, je me suis sentie entourée. Contre toute attente, je me sentais libre de faire tout ce que je souhaitais. Le tram 12 situé à 5 minutes à pied, voilà que je retrouve mes habitudes. Je me rends au centre-ville pour boire le café avec ma fille, mes nièces ou mes petits-enfants, soulagée de savoir que je rentre à Villa Mona pour un délicieux repas que je n’aurais pas à cuisiner. Ouf ! Seule ou accompagnée, je profite le printemps venu des grands jardins publics à proximité. Le printemps est arrivé la semaine dernière. Je sors, je m’aère, je passe prendre le petit-déjeuner à ma boulangerie habituelle. J’y retrouve mes anciens voisins et mes amis dans cette odeur de pain chaud qui ne me quitte pas. Je garde le sentiment d’y être chez moi.
Etre chez soi, c’est aussi rester maitre de son corps. Jamais les soignants qui m’entourent ici n’ont décidé à ma place. Jamais ne m’a-t-on donné de l’aide à la douche sans que je ne le demande, ou imposé un traitement sans consultation médicale. Les décisions restent les mienne et j’y tient. Dès que possible, les infirmiers, les soignants et les animateurs impliquent ma famille et mes proches dans ce genre de choix à prendre. Tout le monde est au courant de mes besoins et de mes préférences personnelles. C’est aussi rassurant de savoir que les infirmiers sont en contact permanent avec d’autres professionnelles, et avec mon médecin traitant. Même lors de mon récent petit séjour à l’hôpital, c’est l’équipe de Villa Mona Hanna qui a tout organisé pour que les choses se passent tranquillement pour moi.
Le service d’animation est très ouvert à ma nationalité, ma religion et mes croyances et - ça peut paraitre étrange - mon orientation sexuelle. Ce que j’admire ici c’est la manière qu’a le personnel d’encourager chacun à exprimer sa vision et ses besoins, aussi compliqués soient-ils. C’est avec respect et dignité qu’ils prennent soins de chaque personne, en passant du temps ensemble pour développer la confiance. A côté de cela, je suis ravie de pouvoir jouir d’autant d’intimité dont j’ai besoin et suis assurée qu’en tout temps je puisse recevoir la visite de mes amis, ma famille et mes proches. En tout temps je sais que je peux compter sur celles et ceux qui gèrent la maison. Je sais qu’ils connaissent bien leur responsabilité et qu’ils font primer l’honnêteté, même en cas de difficulté. Je vois bien comme ils cherchent à réinventer, à transformer, à rendre clair les responsabilités et les devoirs de chacun. Tout ça pour que je puisse être bien et profiter de la vie telle qu’elle est : sereine.
Voilà un an passé. 88 ans aujourd’hui et toujours pas vieille. Agée oui, mais toujours pas vieille.